Image de microscope à fluorescence montrant une immobilisation homogène d’anticorps sur une lame de verre

Thème 1 - Biointerfaces

Animatrice : S. Boujday

Les approches développées dans cette thématique suivent une démarche fondamentale, avec, pour certaines d’entre elles une orientation vers des préoccupations sociétales importantes comme la détection de polluants, les applications biomédicales ou les biopiles.

Thème 1 - Biointerfaces

La plupart des activités humaines entraînent la dissémination de substances qui peuvent avoir des effets nocifs, voire mortels, sur l'environnement et la santé humaine. La détection rapide et précise de ces substances indésirables et toxiques est devenue un besoin important dans la vie quotidienne et justifie de multiples développements de biocapteurs. Les biocapteurs conçus au LRS sont des systèmes opérant soit sur surfaces planes avec de multiples méthodes de transduction, soit basés sur les propriétés optiques uniques des nanoparticules plasmoniques à base de métaux nobles (or et/ou argent) associées à des biorécepteurs de type anticorps, peptide ou enzyme, pour une lecture simple parfois juste visuelle. En accord avec l’approche « one health », la continuité des travaux dans cet axe s’oriente vers le monitoring de la santé humaine et environnementale. La santé humaine le sera via des détecteurs de marqueurs précoces de maladies, notamment les maladies neurodégénératives. Les matrices environnementales visées sont principalement les ressources en eau et les eaux usées. Dans le premier cas, les efforts se concentrent sur le développement de biocapteurs pour les polluants dits émergents, en particulier les résidus pharmaceutiques et les œstrogènes en raison de leur consommation importante, ainsi que par les polluants organiques émergents provenant de l'agriculture. Le défi important à relever dans ce cas est la sensibilité et la spécificité de la réponse puisqu’il s’agit de molécules de faible poids moléculaire d’où la nécessité de développer des dispositifs de transduction performants (cf. thématique 2). Le suivi des eaux usées s’inscrit lui dans une démarche de suivi épidémiologique ayant prouvé son utilité lors de la crise COVID. Ces travaux sont menés en collaboration avec le réseau Obépine et s’inscrivent dans la volonté au sein de Sorbonne Université d’agréger, autour d’une action visible et coordonnée, un réseau autour des ressources en eau.

Les développements obtenus dans l’axe biocapteurs dans la maîtrise avancée de la synthèse et de la fonctionnalisation de nanoparticules plasmoniques anisotropes (NPA), ont permis d’asseoir un savoir-faire dans la chimie de surface de ces objets, particulièrement dans leur recouvrement par une couche de silice d’épaisseur et de porosité modulables. Les NPA présentent un intérêt important pour les applications biomédicales puisque leur bande plasmon se situe dans le proche IR, contrairement à celle des particules sphériques qui est dans le visible, et permet donc de cibler les fenêtres biologiques qui correspondent à la transparence des tissus pour de la délivrance ciblée de principes actifs, particulièrement dans les tumeurs résistantes. Dans ce cadre, l’apport de la couche silicique est multiple puisqu’elle joue le rôle i) de moulage protecteur de la forme anisotrope des AuNPs qui, sous irradiation se transforment en sphères, ii) d’écran ou substituant de l’agent inducteur de forme, indispensable à la synthèse des NPA mais cytotoxique, iii) d’inhibiteur de la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) qui peuvent altérer le principe actif à délivrer et iv) de réservoir de transport lorsque la porosité le permet. Dans les travaux développés actuellement en collaboration notamment avec un oncologue de l’APHP, nous focalisons nos efforts sur la synthèse de nanohybrides en conjuguant ces NPA à des oligonucléotides anti-sens qui servent d’agent thérapeutique et à des anticorps pour une vectorisation active. Le potentiel thérapeutique de ces nanohybrides devra être évalué in vitro et in vivo par conversion photothermique induite par impulsions laser ultracourtes sur des modèles de xénogreffes de différents cancers.

Un autre aspect concerne l’encapsulation de biomolécules photoactives dans des matrices inorganiques biocompatibles en synthétisant par exemple des nanoparticules mésoporeuses fluorescentes ou photoactives pour des applications telles que la vectorisation qui peut être suivie grâce à l’insertion d’un fluorophore. Dans certains cas, la molécule bioactive est aussi fluorescente, ce qui peut permettre de combiner vectorisation et relargage. Nos travaux récents sur les flavonols (molécules bioactives et fluorescentes) et sur les caroténoprotéines, dont l’Orange Carotenoid Protein (OCP) qui possède d’intéressantes propriétés antioxydantes et photochromiques, ouvrent la voie vers des développements permettant de relarguer l’OCP en réponse à une impulsion lumineuse. Enfin, les matrices inorganiques mésoporeuses sont aussi des modèles intéressants de « microenvironnements contrôlés » pour les biomolécules photoactives. En effet les surfaces internes de la matrice peuvent être fonctionnalisées afin de moduler l’environnement de la molécule bioactive. Dans les deux cas mentionnés précédemment, cet aspect est particulièrement intéressant car la fluorescence des molécules est fortement modulée par les interactions avec l’environnement. La mise en œuvre de matrices mésoporeuses permettra de mieux comprendre ces phénomènes, par exemple en variant la dimension des nanopores.

L’axe biominéralisation est un point fort dans l’activité en BioInterfaces et, à l’image de l’axe biocapteurs cité précédemment, il combine des études en surfaces planes et sur des assemblages en suspension aqueuse. Les travaux récents du LRS ont été consacrés aussi bien aux carbonates de calcium qu’aux hydroxyapatites. Par exemple, grâce à la combinaison de techniques comme la microbalance à cristal de quartz (QCM) et la spectrométrie Raman, les processus de biominéralisation ayant lieu en présence de protéines exprimées par des organismes marins tels que les barnacles ont été élucidés in situ, permettant d’observer la formation de phases instables de carbonates de calcium, particulièrement la vatérite, laquelle évolue rapidement en calcite. Les orientations futures incluent l’approfondissement de cette compréhension en réalisant notamment des mesures spectroscopiques résolues dans le temps et également via des mesures au Synchrotron. Concernant les assemblages en suspensions, sur la base d’un modèle biomimétique de minéralisation développé au laboratoire récemment pour les hydroxyapatites, nous avons exploré la combinaison de plusieurs facteurs clés que les organismes vivants utilisent pour produire la matière minérale.

Pour la partie biocatalyse, plusieurs projets avec des applications différentes sont en cours de développement. Dans le premier, la synthèse à partir de cétones ou d’aldéhydes, d’amines énantiomériquement pures grâce à la transaminase. Cette réaction est, dans le cadre d’une thèse en cours (Y. Zan), couplée avec une étape d’oxydation des alcools en présence de catalyseurs métalliques supportés sur des Metallic Organic Framework (MOF) de type ZIF-8. Les groupements imidazole du MOF présentent en outre l’avantage de pouvoir immobiliser l’enzyme par affinité via sa partie terminale poly-histidine. Un second projet concerne la mise en place d’un procédé de dépollution d’effluents aqueux chargés en dérivés phénoliques, en lien avec des objectifs de développement durable. Ceci sera réalisé notamment via un couplage entre filtration et transformation enzymatique, grâce aux enzymes produites par certains champignons ligninolytiques de la pourriture blanche. Toujours dans le contexte de la dégradation de la biomasse, cette fois dans le cadre de sa valorisation pour produire du biogaz, un troisième projet se focalise sur l’étude de l’influence de l’étape de prétraitement sur les propriétés de la biomasse, et notamment de sa surface, afin de les corréler avec la quantité de biométhane produit et ainsi d’établir un outil prédictif. Enfin, il s’agira dans cet axe de poursuivre le développement de biopiles utilisant la laccase (une enzyme que l’on produit au laboratoire) dans la perspective de progresser dans le contrôle et la caractérisation de l’immobilisation de cette enzyme sur des surfaces nanostructurées et conductrices qui constitueront les électrodes de la biopile.