OLD - Thème 1 - Ingénierie des surfaces nanostructurées et fonctionnelles
Animateur de thème : Pr. Franck LAUNAY
La conception de matériaux capables de hautes performances en catalyse ou pour la bio-détection (capteurs) repose sur des synthèses raisonnées visant à contrôler à l’échelle nanométrique les interactions entre des matériaux supports et des phases actives au sens général et/ou entre différents nanomatériaux.
Plus spécifiquement, les travaux développés au LRS qui relèvent de l’ingénierie des surfaces nanostructurées et fonctionnelles ont consisté à contrôler :
• soit l’environnement de nanoparticules métalliques,
• soit la dispersion d’entités actives et, parfois leur compartimentation à la surface de matrices simples ou composites, le plus souvent poreuses.
Domaine de recherche
Pour des applications en catalyse, des nanoparticules à base d’or ou de platine, des nanoparticules bimétalliques à base d’or tel que AuCu ont été synthétisées et utilisées. En parallèle, le LRS s’est particulièrement intéressé à l’utilisation de métaux non nobles comme le nickel, pour lequel, dans certains cas, des voies de synthèses colloïdales inédites en milieu aqueux ont pu être mises en œuvre en vue d’un dépôt sur silice. Il a également été montré que, pour l’hydrogénation du 1,3-butadiène en présence d’un excès de propène, l’introduction de cuivre sous forme de nanoparticules sur silice conduit à des catalyseurs stables et particulièrement sélectifs en raison de la plus forte affinité du cuivre pour le 1,3-butadiène. Une autre façon de procéder consiste à utiliser des carbures à la place des métaux. Cette approche exploitant le savoir-faire du laboratoire en matière de préparation de carbures est au cœur du projet ANR Hydrocarb dont la finalité est la valorisation de la biomasse.
Côté bio-interfaces, des systèmes de bio-détection impliquant des synthèses originales de nano-bâtonnets d’or recouverts de silice et également de nanoparticules cœur-coquille à base d’or et d’argent associés, par greffage, à des anticorps ont été conçus. Ces dispositifs ont permis de détecter visuellement des antigènes, même en faibles quantités ou dans des matrices complexes telle que le lait. Ces différents travaux ont permis au laboratoire de conforter sa maîtrise de la chimie de surface des nanoparticules plasmoniques pour l’association contrôlée de biomolécules en vue de concevoir des nanocapteurs.
En catalyse, l’approche colloïdale pour la synthèse de nanoparticules d’or a également été exploitée avec les difficultés inhérentes concernant l’élimination, souvent à température élevée, des agents stabilisants encore présents une fois les particules déposées sur support. Dans ce cadre, l’utilisation de plasma pour traiter des catalyseurs Au/TiO2 sous forme pulvérulente a été validée grâce à la conception d’un réacteur à lit fluidisé (post-doctorat de K. Leiva, Labex Matisse). En effet, l’élimination du polyvinyl alcool, a pu être établie sans modification notable de la taille des nanoparticules d’or. Un aspect important pour la catalyse impliquant des nanoparticules métalliques concerne la caractérisation de leur structure ainsi que de leur composition de surface, notamment pour les bimétalliques, dans des conditions aussi proches que possible celles de la réaction. Des études effectuées par microscopie électronique environnementale doublement corrigée des aberrations (Thèse A. Nassereddine, doctorant invité, coll. J. Nelaya, Paris Cité) ont permis de mettre en évidence, pour la première fois, dans le cas de nanoparticules d’or sur TiO2 avec des dimensions inférieures à 4 nm, une modification de morphologie accompagnée d’une perte de la structure cristalline cubique à faces centrées (entre 200 et 400°C sous H2 à pression atmosphérique). Une structure moléculaire de surface stable, sans précédent, d’atomes d’or hydrogénés décorant un noyau fortement déformé a pu être identifiée. Dans le cas des nanoparticules bimétalliques AuCu, des changements de morphologie ont été constatés en présence de H2 mais, quelle que soit la taille initiale des nanoparticules, aucune modification de structure n’a été observée. Des mouvements d’atomes (du cœur vers la surface pour Cu et inversement pour Au) ont toutefois été démontrés par le calcul.
En première approche, le confinement au sein de systèmes mésoporeux permet de stabiliser des nanoparticules de nickel très réactives dans les conditions du reformage à sec du méthane. Cependant, pour obtenir des nanoparticules particulièrement petites et positionnées préférentiellement au sein du système poreux, le LRS a adopté récemment des stratégies originales basées sur l’incorporation du nickel sous sa forme oxydée au sein de Metal Organic Frameworks (MOFs) à base d’aluminium ou de silices mésoporeuses, ceci dès la synthèse du support (alumine ou silice). Dans ces derniers cas, un traitement thermique adéquat suivi d’une étape de réduction permet d’obtenir de très bonnes dispersions du Ni au sein de la porosité. Les catalyseurs ont montré d’excellentes performances dans le cadre du reformage à sec du méthane (Thèses L. Karam, O. Daoura, Projet EraNet SolCare et ED 397) et de la réaction de méthanation. Les matériaux à base de nickel sur silice sont également exploités dans le cadre de la dépolymérisation de la lignine par hydrogénolyse pour obtenir sélectivement des composés phénoliques (Thèse R. Sassine, DIM RESPORE). La décomposition de MOFs pour produire de l’alumine par calcination des ligands organiques n’étant a priori pas intéressante d’un point de vue économique et environnemental, une autre approche basée sur la substitution de l’acide para-téréphtalique par des déchets domestiques en téréphtalate de polyéthylène a été développée.
Toujours dans l’optique de disperser et de stabiliser du métal sous forme de nanoparticules, voire d’atomes isolés sur des supports oxyde, des travaux ont été entrepris récemment par J. Schnee. Son projet consiste à exploiter d’autres solides cristallisés, par exemple des hydroxyapatites (HAp) substituées au Cu(II) synthétisées au LRS, pour procéder à la genèse du métal dispersé en procédant par exsolution à l’aide d’un traitement réducteur adapté. Avec de la HAp à 1,5 % en masse, une exsolution complète du cuivre a pu être effectuée, conduisant à des espèces hautement dispersées actives dans la réduction catalytique sélective des NOx par NH3. La particularité de l’approche mise en œuvre tient à l’utilisation d’hydroxyapatites qui favoriseront ensuite la résistance au frittage. Ainsi, l’emploi de méthodes de coprécipitation bien maîtrisées au LRS permet d’envisager la préparation de catalyseurs sous forme d’atomes isolés avec des teneurs supérieures à 2% massique.
Produire plus en consommant moins de matière première et moins d’énergie conduit souvent au design de catalyseurs complexes multifonctionnels. Cela implique d’être en mesure, dès l’étape de synthèse, de localiser les fonctions à proximité l’une de l’autre ou non. Un exemple d’application développé au laboratoire concerne l’hydrocraquage des alcanes lequel fait appel à des sites acides et des sites métalliques. Des supports originaux de type nanocomposites à base de nanozéolithes et de nanoparticules de Boehmite synthétisés par hétérocoagulation des deux matériaux précurseurs ont été mis à profit pour déposer sélectivement des espèces métalliques sur l’une des deux phases constitutives et ainsi compartimenter ou non les sites acides et les sites métalliques. Notons que l’hétéro-coagulation a également été mise en œuvre pour élaborer des matériaux combinant des fonctions catalytique et d’up-conversion. Une autre forme de compartimentation d’espèces actives, cette fois basée sur la seule utilisation de supports poreux est étudiée actuellement pour élaborer des systèmes catalytiques chimio-enzymatiques hétérogènes combinant un catalyseur chimique métallique intégré dans des MOFs et une enzyme en interaction forte avec cette structure (voir également thème 2). Pour d’autres applications, les catalyseurs bifonctionnels conçus au laboratoire peuvent être des matériaux hybrides organiques/inorganiques obtenus par greffage covalent de complexes métalliques et de fonctions organo-catalytiques sur un même support poreux. Cela a été notamment le cas lorsqu’il s’est agi de synthétiser des carbonates cycliques directement à partir d’alcènes, de O2 et de CO2 (Thèse M. Balas, ANR OxCyCat). L’idée était de coupler ainsi des catalyseurs d’époxydation par le dioxygène (complexes Salen du manganèse ou du chrome) avec des catalyseurs de cycloaddition de CO2 sur les époxydes (sels d’ammonium quaternaires). Lors de ces travaux, mêlant des phases d’optimisation du système catalytique en solution avec des transpositions sur support, il a été démontré que des gains en termes d’activité sont obtenus pour l’étape de cycloaddition lorsque cette dernière est effectuée en présence de sels d’ammonium quaternaires supportés du fait de l’activation des époxydes par les groupements silanols de surface. L’introduction de fonctions amine tertiaire, susceptibles d’interagir avec CO2, soit en tant que substituant sur les complexes métalliques, soit directement sur le support, a permis de réaliser la réaction globale dans des conditions plus douces, conduisant ainsi à un processus d’époxydation plus sélectif et augmentant par la même occasion le rendement en carbonate cyclique. Ces travaux sont poursuivis actuellement par H. Sun (Thèse Chinese Scholarship Council).
Faits marquants
Un travail conséquent a été mené dans le cadre du projet SolCare (ERANETMed JC-EN- ERGY-2014) pour produire des nanoparticules de Ni hautement dispersées sur support poreux, stables à haute température et donc exploitables dans un test catalytique exigeant tel que le reformage à sec du méthane. Du point de vue de la synthèse, des méthodologies différentes et originales ont dû être mises en œuvre selon que support était de l’alumine (Thèse L. KARAM) ou bien de la silice (Thèse O. DAOURA).
Pour l’alumine, une phase oxyde mixte mésoporeuse de type NiAl2O4 a été élaborée par dégradation thermique d’un polymère de coordination poreux (MOF) imprégné par des ions Ni2+.
La réduction de ce matériau intermédiaire a conduit à la formation de nanoparticules de Ni0 très bien dispersées car interagissant fortement avec le support. Les performances de ces catalyseurs pour le reformage à sec et la méthanation se sont avérées supérieures à celles de catalyseurs commerciaux préparés de façon classique sur des alumines.
Concernant la silice, deux options ont été étudiées en parallèle pour optimiser la dispersion de Ni (5% en masse). Dans l’une (méthode « One-pot »), les ions Ni2+ ont été incorporés dans le gel de synthèse d’une silice mésoporeuse de type SBA-15 élaborée en présence d’une quantité minimale d’eau.
Dans l’autre, une silice pré-formée (Aérosil-380) a été imprégnée par une solution aqueuse ammoniacale d’ions Ni(II). Dans les deux cas, des valeurs de dispersion en Ni métallique importantes pour de la silice (de l’ordre de 40% (mesurées par chimisorption de H2)) ont pu être atteintes après réduction. Les catalyseurs résultants se sont montrés performants et stables dans le cadre du reformage à sec du méthane, même avec des valeurs élevées de GHSV. Avant l’étape de réduction, des études par diffusion des Rayons X (PDF, collaboration C. Sassoye, LCMCP) ont permis d’établir la formation de phyllosilicates de Ni nanométriques pour la méthode d’imprégnation et de nanoclusters de NiO pour la méthode « One-pot ». Dans ce dernier cas, la conversion des nanoclusters d’oxyde de nickel en nanoparticules de Ni(0) intégrées majoritairement dans le réseau de mésopores a été démontrée par tomographie (collaboration O. Ersen, IPCMS).
Dans le domaine de la catalyse, des nanocomposites colloïdaux de type cœur-couronne résultant d’une combinaison de nanomatériaux apportant des fonctions catalytiques différentes ou bien une fonction catalytique et une fonction d’up-conversion ont été élaborés par une technique encore très peu utilisée : l’hétéro-coagulation électrostatique. Il a ainsi été possible de montrer que les performances des systèmes obtenus impliquant un contrôle poussé des localisations respectives des deux nanomatériaux étaient meilleures en général que celles d’un simple mélange.
En ce qui concerne l’association de deux fonctions catalytiques différentes, des travaux ont porté sur l’élaboration de matériaux avec des fonctions acides et métalliques utilisés notamment pour la réaction d’hydrocraquage. Des nanocomposites avec un cœur à base de nanozéolithe et une coquille faite de nanoparticules de boehmite ont pu être élaborés par hétéro-coagulation (Thèse O. Ben Moussa, Labex Matisse). Après calcination, les matériaux résultants ont été utilisés comme supports du Pt qu’il a été possible de positionner soit sur la partie zéolithe, soit sur la partie alumine. Ces nanocomposites ont ensuite été testés comme catalyseurs pour l’hydrocraquage de l’heptane permettant ainsi de montrer que l’on peut affecter la sélectivité de la réaction en fonction de la localisation de Pt et du degré d’intimité des deux composants du support.
Une approche similaire, basée également sur l’hétéro-coagulation électrostatique a été utilisée (Thèse D. Hu, ANR NSERC UpPhotoCat) pour associer un photocatalyseur (nanobâtonnets de ZnO) avec une nanoparticule Tm3+,Yb3+:LiYF4 ayant des propriétés d’up-conversion (c’est-à-dire capable de sommer deux ou plus rayonnements IR pour produire des rayonnements sur une large gamme d’énergie (allant du proche IR à l’UV)). Il s’agissait ainsi d’obtenir des nanocomposites photocatalytiquement actifs dans le proche IR pour une application à la dépollution des eaux usées. L’hétéro-coagulation a été réalisée entre la particule d’up-conversion recouverte de silice (PZC≈2) et les nanobâtonnets de ZnO (PZC≈9) et a permis d’obtenir des nanocomposites colloïdaux associant les deux fonctions. Les mesures d’activité photocatalytique sous rayonnement UV et proche-IR (laser 974 nm) ont permis d’établir que l’association des deux composantes dans ces conditions douces permet de parfaitement préserver les propriétés de chacune d’entre elles, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on utilise les voies d’association classiques (croissance hydrothermale du ZnO sur la silice).
Dans le domaine de la bio-détection, d’autres nanocomposites, toujours de type cœur-coquille à base d’or, ont été mis au point pour la détection d’antigènes en se basant sur la perturbation de la résonance plasmon, l’idée étant de permettre une détection visuelle pour des seuils à l’échelle du ng/mL.
La fonctionnalisation de surface par des anticorps est un préalable. Dans le cas des nanobâtonnets d’or, la présence de bromure de cétyltriméthylammonium (CTAB) est problématique. Aussi, des travaux ont été entrepris au Laboratoire afin d’entourer les nanobâtonnets d’une pellicule de silice ce qui est également plus favorable à la fonctionnalisation (Thèse V. Pellas, ED 397). Il a ainsi été possible de contrôler la formation de la couche de silice en jouant sur le pH de manière à séparer les étapes d’hydrolyse du tétraéthoxysilane et de sa condensation en silice. La maîtrise des conditions de synthèse a, en particulier, permis un contrôle de l’orientation de la porosité (induite par la présence de CTAB) qui peut être soit parallèle ou perpendiculaire à la surface d’or. Le CTAB a ensuite pu être totalement éliminé par lavage, rendant possible l’utilisation des nano-objets ainsi formés pour la délivrance de médicaments ou pour la thérapie photo-thermique. Pour les épaisseurs les plus fines, des expériences de bio-détection basées sur la résonance plasmonique de surface de l’or ont pu être effectuées. La présence de la silice a permis des travaux de fonctionnalisation de surface par des molécules d’anticorps anti-IgG de lapin par des approches covalentes ou électrostatiques.
Une fois les sites non spécifiques éliminés par adsorption de l’albumine de sérum bovin, les nanocapteurs ainsi préparés ont montré leur efficacité pour des gammes de concentration d’IgG de lapin comprises entre 25 et 500 ng/mL avec un simple spectromètre UV-Vis. de paillasse.
D’autres systèmes, cette fois-ci à base de nanoparticules cœur-coquille de type Au@AgNP ou Ag@AuNP, ont été conçus afin de contrôler avec une précision nanométrique la position de la bande de résonance plasmon (Thèse L. Zhang, Initiative CMI). Les limites de détection de l’entérotoxine staphylococcique A (SEA) rapportées sont de l’ordre de 0,2 à 0,4 nM. Il a de plus été montré que les nano-objets obtenus par incorporation d’Ag dans des nanoparticules d’or creuses sont les plus appropriés pour la bio-détection visuelle. Par ailleurs, le couplage entre des nanoparticules d’or fonctionnalisées par l’anticorps de l’entérotoxine staphylococcique A avec des surfaces de verres exposant ce même anticorps a permis de concevoir des dispositifs de détection de la SEA dans le lait avec une limite de 1.5 ng/mL.